Thème du texte : Le courage

Le courage – N’obéissant qu’à son courage

Le courage possède cet aspect du grandiose dans ce qu’il a de plus ordinaire ; souvent discret, petit, muet, il opère dans le silence de son accomplissement : sans ordres. Le courage n’est pas la gloire. Le courage est mince, ténu, inaudible, précaire, glissant. C’est de la paille de marbre. De l’intérieur, abstrait, il se transforme, polymorphe de nature, en actes, gestes, paroles…. marathonien où sprinteur. Le courage est une transformation, une chirurgie interne, un virus transmissible. C’est autant une mue qui ne change pas de peau qu’un renversement brutal. Un a priori qui saute, une idée qui se révolte, un sentiment qui explose, une raison qui s’exerce, un horizon qu’on arraisonne.

Passer par les ténèbres les plus sombres, se sentir dans une fatalité, se cloîtrer dans l’impasse, s’apprêter à emprunter un chemin inconnu, voir les limbes de l’inaction, être étranglé par l’angoisse, se sentir rouler dessus par le danger, plier sous le poids de l’inévitable menace, être rongé par la crainte d’un futur, baigner dans la peur, être enseveli dans l’incapacité, voilà les chemins communs du courage. Le fait d’avoir du courage passe donc par en être dépourvu, peut-être. Ce paradoxe a la force de changer un être et de soulever des montagnes.

C’est une déclaration de guerre à la réalité, sans issue et sans vainqueur. Il est préférable de savoir mourir un peu, toi le courageux, avant de chevaucher ton corps imaginaire et bien réel. S’accomplir n’est pas si éloigné de s’imaginer. Que gagne-t-on à être courageux ? Essuyer un échec, devenir lâche, pouvoir tout perdre. C’est une force autant qu’une charge, une vertu autant qu’un manque.

Qu’apporte le courage ? La paix intérieure autant que l’altruisme. La joie sourde de faire face. C’est comme gravir un sommet lorsqu’on est au fond du trou. L’adversité dans la répétition de l’échec, du découragement, de l’abandon. Écrire l’histoire, son histoire, se rappeler de son cheminement, découvrir les paysages de l’autre, se tourner vers soi-même, en faire le tour, regarder ailleurs. Le courage appelle la vie, même dans la mort. Le courage est une petite chose qui parcourt de grande distance, dans l’infinité des trucs et bidules.

Le courage, ne pas en avoir pour en acquérir. On ne nait pas courageux, d’abord on chiale, on tente de respirer, on appelle. On devient courageux dans le temps.

Ami, avant tous actes courageux, désespère un grand coup.

Andrea Siri