Thème du texte : La concentration

La concentration

Notre œil se pose un instant, toujours trop rapide l’instant, craignant toujours d’être avalé par le temps. Allez, un petit effort, répondons à cette invitation : regardons, avec attention, La Concentration. Gilles nous prend par la simplicité : les couleurs cintrées ne nous divertirons pas, les gestes simples ne nous distrairons pas. Le message est limpide, nécessaire qui s’écoule versé par un démiurge patient et précautionneux.

Gilles s’interroge et nous invite généreusement à nous poser ici et maintenant. Quelle est la question ? Le temps, rien que le temps…

Revisiter le passé et deviner l’avenir sont deux fictions que nous caressons parfois de nos nostalgies ou de nos peurs. Nous avons même imaginé retenir sa course implacable et cru que nous y réussissons presque avec notre mode de vie hyper-connecté qui, grâce à la simultanéité des rapports, des échanges et de l’information en temps réel, nous en sert l’illusion à travers des écrans de plus en plus mobiles et minuscules. Avec ce temps mis en poche, on finit par croire qu’il nous appartient !

En vérité nous le poursuivons sans cesse ce satané temps et menons contre lui une course vaine et prétentieuse. Cessons ce combat dérisoire et inutile qui nous morcelle et nous dilapide. Parce que notre pensée y gagne en nombre – et en parasites – ce qu’elle y perd en profondeur et en essentialité…

Gagner du temps est une stupidité chimérique de la modernité, en perdre serait une offense à la communauté laborieuse et productive.

Mais Gilles s’en fiche… Contemplez, il en restera toujours quelque chose, nous souffle-t-il à travers le calme et la sérénité de ses tableaux.

L’eau, parfait symbole du temps qui file, qui coule, parfait dessin aussi de notre dessein courant, nous emmène de la vie à la mort, parfaite illustration paradoxale de la méditation par captation de l’attention, ce filet azur et sa silencieuse musique, laisse contempler le spectacle du flux de l’eau qui nous lave du superflu.

Alors enfin, nous voici au centre du monde et de nous-même : concentrés.

Corinne Kuperberg