11 écrivains

Pour accompagner et commenter la série d’expositions et contribuer à son catalogue, l’équipe projet a décidé de faire appel à des auteurs qui sortent des chemins battus de la critique artistique, certains très jeunes et souvent peu familiers de ce type d’exercice. Il s’agit de la traduction d’une volonté de sortir des stéréotypes d’une critique trop souvent neutre, aseptisée et sans réelle implication personnelle de l’écrivain. À l’opposé, l’équipe a voulu mettre en avant une approche plus personnelle, nécessairement subjective, et, partant plus humaine, des œuvres exposées, quitte à se départir des canons de la critique traditionnelle.

Un thème a été confié à chacun des rédacteurs, sans la moindre directive spécifique, si ce n’est sur la longueur maximale du texte, afin de n’exercer aucune influence sur la rédaction. Le principe étant de laisser le plus grand degré de liberté – et de spontanéité – dans l’expression.

Les textes résultants, tous très personnels, abordent la question des œuvres et des thèmes qu’elles illustrent sous des angles très différents. De la description plastique de l’œuvre à des considérations sur la thématique qu’elles abordent, en passant par toute une palette d’intermédiaires, factuels ou poétiques, les contributions des critiques nous proposent un étonnant spectre de ce que pourrait être une véritable critique plastique, renouvelée et humaine.

Patrick Delgado

Texte sur le thème de « L’irréversibilité »

> Lire le texte de Patrick Delgado

Fabienne Durand

Texte sur le thème « Le couple »

> Lire le texte de Fabienne Durand

Christophe Guias

Texte sur le thème « L’erreur est humaine »

> Lire le texte de Christophe Guias

Florence Joseph

Texte sur le thème « Le don »

> Lire le texte de Florence Joseph

Corinne Kuperberg

Texte sur le thème « La concentration »

> Lire le texte de Corinne Kuperberg

Diane Mazloum

Texte sur le thème de « L’amour »

> Lire les textes de Diane Mazloum

Philippe Menestret

Texte sur le thème de « La transmission »

> Lire les textes de Philippe Menestret

Jean-Henri Maisonneuve

Texte sur le thème de « L’humilité »

> Lire le texte de Jean-Henri Maisonneuve

Frédérique Oudin

Texte sur le thème « Tout vient de la nature »

> Lire le texte de Frédérique Oudin

Andrea Siri

Texte sur le thème « Le courage »

> Lire le texte d’Andrea Siri

Lara Tournemire

Texte sur le thème « Le passé »

> Lire le texte de Lara Tournemire

UNE PAUSE À PENSER

Par Daniel Boulogne

Ce n’est qu’en 1991 que j’ai découvert le travail de Gilles Guias. À cette époque, il avait déjà abandonné l’abstraction pour s’épanouir dans la figuration de ces personnages, souvent frontaux, qui interpellent et dérangent le spectateur. Depuis, j’ai suivi son travail et ses évolutions, parfois radicales, mais y ai toujours retrouvé un certain nombre de caracté-ristiques qui rendent cet artiste unique et attachant.

C’est, tout d’abord, une écriture personnelle, ininterrompue depuis tant d’années, dans laquelle la main dessine ses pensées, aussi naturellement et calmement que s’il s’agissait d’une conversation à bâtons rompus. Ses peintures nous entraînent dans un univers de calme et de spiritualité, dans un cosmos où chaque spectateur est invité à trouver son chemin vers une forme d’éternité, d’immortalité. Pour autant, Gilles Guias ne s’arc-boute pas dans une nostalgie passéiste. Son écriture et la pensée qu’elle révèle s’inscrivent pleinement dans notre temps, même quand elles font référence à des mythes immémoriaux.

Sa signature, son empreinte, c’est sa peinture, avec sa technique, ses couleurs, ses à-plats, ses perspectives, ses personnages souvent vêtus du même costume… Pas besoin de signature. On reconnaît de loin : c’est un Guias… Et pourtant, chaque toile, chaque oeuvre sur papier, est singulière, diffère de toutes les autres, illustre un monde en soi, plein et autosuffisant…

La peinture de Gilles Guias est le reflet de son âme et de ses préoccupations. C’est en ce-la qu’elle nous séduit, car chacun peut y trouver un écho de ses propres interrogations. Sa peinture relève d’ne sagesse qui n’a rien d’abscons ou d’incongru mais plonge ses racines dans les interrogations que tout humain peut – et doit – se poser sur le monde qui nous entoure et sur la place qu’il doit y prendre.

Pour autant, sa peinture n’est pas « savante ». Devant une telle manifestation de sponta-néité, un néophyte pourrait se demander si l’artiste sait vraiment peindre. Mais, en lisant les perspectives, l’agencement des couleurs, la matérialité des à-plats, la présence troublante et questionnante des personnes, force est de constater que nous ne sommes pas dans le registre d’un art « naïf ». Bien au contraire, les propositions de Gilles Guias nous entraînent dans une méditation profonde qui mêle les dimensions personnelle et universelle. En effet, ses peintures ne sont pas de purs objets de contemplation. Passé l’enchantement de la première impression, le spectateur est pris dans un tourbillon de réflexions spirituelles, le plongeant aux tréfonds mêmes de son intimité.

Je tiens Gilles Guias pour un artiste de première importance. Bien que son travail n’ait aucun rapport évident avec celui de Calder, je ne peux m’empêcher de penser au sculpteur du grand Stabile rouge sur l’esplanade de La Défense. J’ai eu le bonheur de rencontrer, à la fin de sa vie. Il voulait me convaincre de ne pas réduire son oeuvre dans ses dimensions, comme le souhaitaient les ingénieurs en quête de diminution des coûts de réalisation. Je me souviens de ses explications magistrales dont j’ai retenu, au premier plan, l’importance, pour tout grand créateur, de porter la pensée au-delà de la matérialité de l’oeuvre. C’est bien cela que je ressens quand je vois les oeuvres de Gilles.

Ces « choses importantes » que Gilles Guias nous donne à voir ne résultent pas d’une quelconque stratégie de séduction, mais sont l’expression poignante de son ressenti de notre monde contemporain, avec ses évidences et ses contradictions, ses joies et ses injustices. Il nous interpelle, nous force à nous interroger sur notre civilisation, sur notre devenir et sur nous-mêmes…

S’asseoir devant ses oeuvres et prendre le temps de les regarder, de les contempler, c’est s’inviter à un voyage dans les âmes de la vie de notre temps, dans notre propre existence, une incitation à trouver une route vers la Paix intérieure…

C’est une « pause à penser » avant de repartir, différent.

Daniel Boulogne