Thème du texte : Le Passé
Les métamorphoses de Gilles Guias
Le mystère plane sur ces mises en scène figuratives. Au fil de la composition, des formes intransigeantes et usurpatrices de l’espace se dévoilent. Ces apparitions mouvementées sont incarnées par des corps et des visages d’hommes ou des arbres incandescents. L’être, nullement accompagné, s’intègre seul aux fonds texturés et s’imbibe au passage de certains tons de la palette. Parsemées sur le reste de la toile, les couleurs viennent à leur tour circonscrire la figure. Dans certains cas, pourtant, figures et fonds ne semblent faire qu’un.
C’est la main de l’artiste qui peint à même la matière, les doigts estompant l’acrylique ou le fusain. La substance vacille, tremblote à en devenir vibrante. Dans une sorte de brouillard monochrome, Gilles Guias estompe des formes quasi subliminales. Leur réalité n’en demeure pas moins palpable.
Les figures sont les protagonistes d’une vie passée, d’une vie qui fût ou bien d’une vie en train de passer. Un sentiment de nostalgie teinté de sérénité se dégage ici. Les souvenirs antérieurs sont gravés sur un tronc d’arbre, une photographie en noir et blanc. Tantôt heureux, tantôt sinistre, le temps qui passe et trépasse, la gloire d’antan est à jamais révolue. La place est maintenant occupée par la sénescence. Ce sont des êtres séniles, livides, mais plaisants et souriants qui habitent les lieux. La fragilité temporelle reste inéluctable.
Les portraits d’hommes en fin de vie, assemblés à ceux d’arbres renaissants pourraient fonctionner tels des diptyques. D’un côté, l’effigie d’un individu sur fond de noirceur et de terre de Sienne, de l’autre l’image d’un arbre crayonné accolé à la matière bleue-grise…Ici un vieil homme accoudé au tronc et là, des feuillages brillants vus en contre-plongée. Une iconographie logique semble se profiler. Les futures cendres de l’Homme semées au pied de l’Arbre vont-elles ressusciter au-delà des racines ?
En faisant le choix d’une figuration simple, Gilles Guias ne signe pas pour autant un style naïf. Ses inspirations primitives proviennent avant tout du sous-continent indien, arpenté à diverses reprises. Ses personnages sont le résultat d’expérimentations plastiques ; des premiers collages aux compositions lyriques, jusqu’à l’apparition de figures sortant d’un néant abstrait.
Un dessin aux allusions stylistiques infantiles ne serait-il pas la preuve d’une réincarnation juvénile d’êtres en quête de réminiscence ?
Lara Tournemire